Dès que le sifflet final retentit à un match de l’Euro, tous les supporteurs de l’équipe victorieuse montent dans leur voiture, drapeaux au poing, pour klaxonner allègrement sur fond de moteur de bécanes pétaradantes et de hurlements désordonnés. Nationalisme en plastique et publicités à caractère exagérément viriles envahissent l’espace public. Même les gens qui ne comprennent rien au football s’y donnent à cœur joie, se grimant aux couleurs de leur pays et profitant du prétexte pour s’acheter une nouvelle télé afin de justifier la descente de bières « Euro 2016 special edition » chaque soir.

Les femmes ont toujours une coupe de cheveux de retard…

En général, on ne s’intéresse qu’à un seul type de foot: celui qui est pratiqué par des hommes. Franchement, qui regarde les compétitions féminines? C’est vrai quoi, les femmes courent moins vite, tirent moins fort, se bousculent moins, font moins de fautes, crachent de façon trop élégante, ont toujours une coupe de cheveux de retard sur leurs collègues masculins sponsorisés par les meilleurs laboratoires capillaires. Quel intérêt dans le foot féminin? D’ailleurs, quand les hommes jouent mal, on dit bien qu’ils jouent « comme des gonzesses », voire « comme des lopettes » ou « des pédés » ! S’il y a une place pour les hommes et une autre pour les femmes dans le football – des deux côtés du petit écran – les homosexuels ont en revanche meilleur temps de faire profil bas.

Footballeur + Femme(s) = normal

Dans le foot comme dans bien d’autres domaines, les hétéros n’ont pas à se justifier de leur vie sentimentale en public : qu’ils aient une demi douzaine de bimbos à leurs bras chaque semaine ou qu’ils soient en couple depuis des années avec la même personne, ils n’ont pas besoin de faire un coming out hétérosexuel en public, c’est-à-dire de justifier leur orientation sexuelle devant tout le monde. Footballeur + Femme(s) = normal. A l’inverse, il est bien plus difficile pour un footballeur gay de parler de sa vie privée, tant à ses coéquipiers qu’à la presse. La discrétion est de mise : il n’y a pas d’homos dans les équipes de foot masculines, tout comme il n’y en a pas en Iran selon l’ancien président de cet Etat.

le « copain » devient la « copine »

Dans les moindres interactions, les footballeurs professionnels bi-/ homosexuels doivent dissimuler leur vie affective, de crainte de devenir la risée des supporteurs et des coéquipiers et de se voir peut-être exclu du marché. Il ne s’agit même pas de faire l’étalage de leurs prouesses érotiques – même si les hétéros se font curieusement toutes sortes de films – mais simplement de pouvoir dire « je suis allé au cinéma avec mon copain », par exemple. Ces petites anecdotes simples deviennent taboues pour le footballeur gay qui doit peser chacun de ses mots, voire transformer sa réalité – le « copain » devient la « copine » – pour éviter un malaise collectif.

Le mois de juin était celui des Gay Pride, des cortèges colorés pour les communautés LGBTIQ dans une ambiance festive. Ils n’ont qu’un mois dans l’année pour klaxonner dans les rues avec un drapeau arc-en-ciel au poing, revendiquer leurs droits ou brandir des pancartes. Quant aux fans de foot, ils ont toute l’année pour se lâcher après un match et faire la bringue, et ils n’ont pas besoin de dérogation spéciale de la préfecture pour faire les fiers.

Dans le football, le match contre l’homophobie ne se joue pas seulement sur la pelouse, mais aussi dans les vestiaires et surtout dans les gradins.