(srpskohrvatska verzija dole)

La carte postale est d’un kitsch irréprochable. Je la retrouve à chacun de mes déménagements, dans ma boite à souvenirs. Ces roses jaillissant d’un coeur viennent d’un pays qui n’existe plus, la Yougoslavie. Baba et Deda – grand-maman et grand-papa en serbo-croate – m’envoyaient chaque année une image de fleurs mises en scène par un photographe socialiste adepte des floutages mièvres.

Mes grands-parents m’appelaient chaque année pour me souhaiter un joyeux anniversaire et m’envoyer tous leurs vœux. Enfant muni d’un vocabulaire de survie (jambon, manger, lait et crêpes), je ne comprenais quasiment rien à ce que mes petits vieux préférés me racontaient, mais j’en saisissais l’intention. Je ne savais pas quoi répondre, balbutiais un « hvala » (merci) et repassais ma mère qui leur racontait probablement qu’elle avait bâti un gâteau de 5 m³ pour une vingtaine de camarades d’école, histoire de rassurer ma Baba qui avait le souci des quantités. Il faut dire que les gens ont de meilleures raisons de préparer des réserves de guerre là-bas que dans nos vieux bunkers helvétiques… Cette carte me rappelle des sonorités agréables, comme une chanson qu’on apprécie sans en comprendre les paroles.

Ce qui a changé, c’est que je comprends désormais ce qui est écrit au dos de la carte postale jonchée de roses. J’ai appris le serbo-croate entre mes 18-24 ans. Les premières années, je suivais des cours de « serbo-croate ». Par la suite, cette langue a mystérieusement disparu pour être progressivement remplacée par quatre idiomes nationaux: le bosniaque, le croate, le monténégrin et le serbe. Les intitulés de mes cours ont été adaptés selon les Universités: « bosniaque/croate/serbe », « serbe » tout court et finalement « bosniaque-croate-monténégrin-serbe. » Au final, j’ai appris à peu près la même chose dans tous ces cours, quel qu’en fût l’intitulé.

Je n’ai pas vraiment eu l’occasion d’entretenir des conversations plus élaborées que des borborygmes franco-slaves avec Baba et Deda, puisqu’ils ont disparu peu de temps après la Yougoslavie.

Cette carte ajoute désormais un sens à ces sonorités agréables ; j’ai pu conserver les reliques des paroles de cette chanson annuelle que j’entendais au téléphone. Ils attendent notre retour. Au téléphone, il y avait ces voix attendries de grands-parents tout fiers d’avoir leur petit-fils au bout du fil, et ça continuait probablement avec des vœux de bonne santé, de chance et de bonheur, comme sur la carte. De cette musique, il ne me reste que des bribes de paroles sur des bouts de carton. Je me dis que j’ai bien fait d’apprendre à en déchiffrer le langage. C’est un peu comme si mes souvenirs de vacances en Yougoslavie n’étaient plus sous-titrés.

Je revois ces cartes à chacun de mes déménagements. Baba et Deda ne m’attendent plus depuis des années, mais je retourne quand même de temps en temps dans le coin. Il me reste cette langue qui n’existe plus – le serbo-croate – et que tout le monde comprend malgré tout. Je devrais plus souvent écrire des cartes postales.


*PREDGOVOR: Molim sve čitaoce našeg jezika da me oproste zbog loše gramatike i pokvarenog jezika. Već 5 godina nisam napisao ništa na ovom jeziku.*

Razglednica je potpuno kič. Vidim ju svaki put kad se preselim. Ove ruže u srcu dolaze iz zemlje koja je nestala: Jugoslavija. Baba i Deda su mi poslali takvu razglednicu s cvećem svaku godinu, za svaki rođendan.

Nazvali su da čuju moj glas iz Švajcarske i da mi žele « sretan rođendan. » Kao dete preživeo bih sa četiri rečima kao « šunka, jedi, mleko i palačinke. » Onda nisam ništa razumeo kad su me Baba i Deda zvali, samo da hoće de mi žele srećan rođendan. Nisam ni znao šta da kažem, kao svako dete koje neugodno odgovori na pitanje odrasla. Moja majka bi uzela telefon da nastavi razgovor sa Babom, sigurno da joj kaže da je spremila ogromnu tortu tako da bude Baba sigurna da bi se to slavilo baš kako treba. Ova razglednica spominja taj prijatan zvuk, telefonski zov iz Jugoslavije, kao da bih slušao lepu pesmu al’ ne razumem reči.

Danas razumem smisao koji stoji sa druge strane ove razglednice. Našao sam i grešku! Počeo sam da učim srpskohrvatski od 18 do 24 godine. Na početku se predavanja zvala « srpskohrvatski ». Zavisno od Univerziteta promenili su naziv predavanja na « bosanski/hrvatski/srpski », samo « srpski » (ili српски) i « bosanski-crnogorski-hrvatski-srpski. » Na kraju sam naučio manje više istu stvar u svim tim predmetima.

Nažalost, Baba, Deda i ja nismo uspeli da imamo « velike razgovore, » pošto su umrli pre nego što sam počeo da naučim jezik. Ova razglednica dodaje smisla na taj prijatan zvuk iz detinjstva; taj godišnji zov iz Jugoslavije. Bili su ponosni na unuka. Hteli su da ga čuju preko telefona i da mu žele dobro zdravlje i svu sreću u životu. Od ove muzike ostaju me samo nekoliko reči pesme. Pismena relikvija te godišnje pesme, tih lepih vremena sa njima i sa porodicom. Malo kao da bih se setio moje detinjske odmore u originalnoj verziji, bez podnaslova.

Gledam ove razglednice svaki put kad se preselim. Baba i Deda ne čekaju me više, ali ipak se vraćam tamo s vremena na vreme. Ostaje taj jezik koji više ne postoji – srpskohrvatski – pa koji svi ipak razume. Moram da pišem više razglednica.