Le plus grand bunker du monde

Nous avons tout prévu. En cas de menace radioactive, chaque habitant peut trouver sa place dans un abri anti atomique. Sur l’ensemble du territoire suisse, il existe plus de places dans les abris que le pays ne compte de résidents, soit une couverture de plus de 110% (voir les deux premières références ci-dessous, 1). Ils sont beaux, nos abris! Bien construits, bien épais, robustes et résistants aux intempéries nucléaires les plus farouches! Swiss made! Enfin… il faut juste faire gaffe à ne pas laisser les fenêtres ouvertes. À l’intérieur de ces sous-sols ultra-bétonnés, nous avons tout prévu : des lits avec matelas et couvertures, un mobilier rudimentaire, un garde-manger débordant qui est régulièrement approvisioné parce qu’on sait jamais, au cas où ça pète, faut bien qu’on tienne quelques jours à la cave. La protection civile et l’armée s’entraînent fréquemment, au cas où, et chaque bon petit milicien est prêt à sortir de ses tranchées pour affronter l’ennemi avec une mitrailleuse AK-47-FB-TEK-21-light. On teste chaque année les alarmes, au cas où, pour dépoussiérer le matos et rappeler à la population qu’elle bénéficie d’une infrastructure nickel tip top.

Nous avons tout prévu, mais en plus de 50 ans de surconstructions d’abris anti atomiques, aucune menace nucléaire n’a abouti. À part quelques catastrophes naturelles – coulées de boue et autres inondations – rien de bien folichon dans la Confédération, comme dirait Bourvil. Alors les Suisses commencent à se détendre un peu. Ils se rendent compte que les 20 mètres carrés de paranoïa de menace soviétique pourraient faire une jolie cave à vin, un sympathique carnotzet pour rigoler avec les copains, ou encore un local de répétition pour le groupe de rock du fiston Kevin qui peut se défouler sur des reprises de Nirvana ou Avril Lavigne avec ses copains Johnatan, Nathanmaël, Gaspard-Philippe et Rapapuffre (2). Le bunker prend enfin vie, mais au bout de deux heures, on a un sérieux besoin de sortir prendre l’air. En effet, on manque rapidement de lumière et d’oxygène dans un sous-sol englouti par une épaisse couvertue de ciment.

Dimanche, les citoyens suisses se rendent aux urnes pour savoir s’il ne faut pas ériger un bunker qui renferme tout le pays du reste du monde, afin de préserver une certaine qualité de vie, selon les initiants d’Ecopop. En jugulant le flux migratoire au maximum grâce à des frontières hermétiques, on espère que l’immigration massive ne parviendra plus à pénétrer notre territoire pour en souiller nos paysages de carte postale (3). S’il est candide de minimiser l’impact de l’immigration en Suisse, il me semble encore plus naïf de croire que le pays puisse verrouiller ses lourdes portes d’entrée en béton à l’aide d’une initiative – encore une! – résolument disproportionnée. Mais ne vous inquiétez pas, les initiants ont tout prévu.

Aux Suisses de choisir s’ils préfèrent se terrer dans un abri anti atomique d’envergure nationale. Il ne faudra toutefois pas s’étonner de ne plus pouvoir en sortir pour prendre l’air, car nous ne sommes pas les seuls à détenir les clés du portail. Et puis, on oublie toujours de fermer une fenêtre dans ces bunkers.


(1) Références concernant les abris anti atomiques :

A chacun son bunker (Swissinfo)

Wikipédia

L’émission ABE de 1987

Une galerie de photos sur l’angoisse nucléaire en Suisse

(2) s’il vous plait, n’inventez pas de prénom pour votre enfant suite à la lecture de ce billet. Gaspard-Philippe n’existe pas!

(3) la récente émission de la RSI (en italien) – falò du 13.11.2014 – démontre à quel point un contrôle systématique aux frontières s’avère inefficace et coûteux.

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3 Comments

  1. Gaspard-Philippe Schneuwly

    L’image du bunker est assez mal choisie, la Suisse est déjà bien sur la pente bétonneuse et risque de glisser plus vite avec les taux d’immigration actuels.

    Pour le manque d’air on verra, au pire on se retrouvera comme le habitants du Bouthan, ces infâmes fachos qui limitent la présence étrangère dans leur pays… pour préserver l’écologie: http://fr.wikipedia.org/wiki/Tourisme_au_Bhoutan

    Et l’avantage si Ecopop passe, c’est qu’on pourra re-sortir les accordéons comme nos amis russes: https://www.youtube.com/watch?v=RnkQxpcBtes

    • Je vous remercie de votre commentaire, bien que j’en désapprouve la teneur.
      Vous comparez le Bhoutan à la Suisse? Bien sûr, au Bhoutan, tout le monde vit dans la joie et la paix. Les citoyens bhoutanais vivent en parfaite harmonie avec la nature, un peu comme les Schtroumpfs en somme. Malheureusement, il semblerait que ce pays ait choisi de littéralement bouter les citoyens d’origine népalaise hors de son splendide royaume ou de simplement les ignorer de ses statistiques (donc de son système?). Pour quelles raisons? Pour préserver un écosystème idéal?
      Je n’en sais pas plus que ce qui figure sur la version française de l’article de wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bhoutan , mais je doute fort que l’image que vous vous faites du Bhoutan soit si idéale que vous ne l’imaginez.
      Quant aux accordéonistes russes, vous ne seriez plus prêt de pouvoir aller les écouter en concert à Moscou si Ecopop était passé.

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