Au bout d’une quinzaine de minutes de grimages et d’habillage, me voici transformé en Sanicola (1). Entouré de deux jeunes Pères fouettards costauds, je passe de classe en classe pour perpétrer une vieille tradition : la distribution de biscômes (2) et de leçons de morales ; bien que je préfère adopter un ton gâteau que gâteux. Les maîtresses jouent le jeu ; les élèves sont sages et me regardent avec de grands yeux pétillants, sauf les plus de dix ans qui démasquent ma peau d’éphèbe encore verte sous ce déguisement décidément trop connu des gamins.

Assis en demi-cercle autour de leur Sanicola chéri, un petit bout-de-chou me lance :

– Sanicolaaaaaa? Tu seras là à Marly demain? pask ma maman elle a dit qu’tu viendras d’main à la Migros!

– Oui, bien sûr mon enfant!

– Et pis c’est à quelle heure alors?

– Hum… oh tu sais, Sanicola est un peu vieux, il a des petites pertes de mémoire et il doit consulter son agenda. Mais je serai là mon enfant!

– Mais c’est où déjààààà? A la Migros ou à la Coop?

– Eh bien je… demande à ta maman, mon enfant! J’y serai en tout cas!

Lui mentis-je de front, caché sous une épaisse forêt blanche de perruque et de barbe, enroulé dans un rideau rouge et or. Puis, m’en allant après un discours enflammé devant toute l’école – tel un Fidel Castro sponsorisé par Coca-Cola –, une ribambelle d’enfants accourt pour venir me serrer la main, me remettre un magnifique dessin à mon effigie et me donner rendez-vous à la station-service de Cornet-de-Boeuf, chez Denner à Villars-Mollard ou encore le samedi, lors du grand cortège de la Sanicola, où le papy le plus cool de Fribourg s’envolera dans une épaisse fumée multicolore (en fait, y s’envole pas pour du vrai, y fait semblant pis y part d’côté par les escâillés).

Visiblement, Sanicola est contraint de prendre plusieurs petits boulots ; il est obligé de faire des extras dans les grands magasins, le soir et le week-end après ses tournées dans les écoles primaires du canton. En tout cas, il n’est pas prêt de toucher sa retraite, le bon vieux Sanicola!

***

Si vous cherchez Oncle Phil, vous le trouverez fort probablement à la Galerie Contraste le 6 décembre entre 10h et 18h, pour le finissage de l’expo Mondialisation.


(1) il s’agit du Saint-Nicolas, mais tout le monde dit « Sanicola » à Fribourg, alors je me permets une petite révolution orthographique personnelle

(2) les biscômes sont des pains d’épice, pour les rares francophones non suisses qui liraient mon blog (bienvenue à eux!)